Stage en Normandie, mars 2013
Je souhaite ici présenter le livre按腹図解(1) « L’Anpuku Zukai » écrit au Japon par Jinsaï OHTA, en 1827 à l’époque Edo (1603-1868). L’idéogramme 按 -AN- est celui utilisé dans le mot Anma, 腹-FUKU- signifie le ventre. 図解 –ZUKAI- signifie le manuel illustré. Donc, on peut dire que le titre de ce livre est « Le manuel illustré de Anma sur le ventre »
Shizuto MASUNAGA a écrit « C’est cet ouvrage, dont la diffusion s’est faite dans le public, qui est à l’origine du Shiatsu actuel. »(2) Mais en réalité, ce livre n’est pas un livre compliqué. Il est plutôt facile à comprendre. Il proposait une méthode simple, à la portée des femmes ou des enfants. Ce live s’adresse au grand public, non aux spécialistes, et grâce aux dessins, il est tout à fait possible de pratiquer la méthode décrite de nos jours. Ce livre n’explique pas uniquement Anma sur le ventre (3). Les positions sur le ventre, sur le dos et sur les côtés sont bien mentionnées comme faisant partie du shiatsu actuel. On sent que depuis cette époque, la vision sur la totalité du corps est considérée. Il y a des chapitres qui parlent d’Anma pour le bébé ou pour les enfants, Anma pour les femmes enceintes ou après l’accouchement, ou auto-Anma, tous accompagnés de dessins. On peut supposer que la pratique d’Anma était depuis cette époque restée dans le milieu familial.
Les japonais de l’époque Edo ne connaissaient pas bien encore la civilisation occidentale, y compris la médecine.(4) Dans cette société traditionnelle, Anma était une des méthodes de bien-être pour garder le citoyen en forme. La tradition de « Do-In, An- Angyô » qui venait de Chine, était la base de la prévention de la santé de cette époque. Mais ce livre traite surtout du ventre. Treize techniques sont présentées. Chaque technique possède un titre bien significatif qui peut contenir un sens philosophique, un sous-titre qui explique brièvement cette technique, et suffisamment d’explications bien concrètes pour le geste, ainsi qu’un dessin explicite.
Après avoir pris le temps de bien comprendre ces techniques et de les expérimenter, avec un petit groupe, j’ai conçu des stages sur le sujet de ce livre à La Roche-sur-Yon. Comment les élèves de shiatsu en France vont-ils réagir face à un ouvrage traditionnel japonais datant d’il ya 180 ans ? C’était un de mes questionnements en tant qu’enseignant japonais en France. Finalement nous expérimentons exactement ce qui est écrit. Mais ce n’est pas toujours facile. J’éprouve le besoin d’expliquer ce qui n’est pas dans le texte. Je dois intervenir et m’appuyer sur ma pratique et mes expériences personnelles, quand ce n’est pas clair. Dans ce cas, je le mentionne et j’essaye de faire sentir l’authenticité de cet ouvrage classique.
Treize techniques suivent un ordre sommairement comme un Kata. Dans la première partie, il y a des approches d’ouverture de la cage thoracique, qui sont les préparations pour accéder au ventre. Les méridiens des Vaisseaux Concepteur, l’Estomac et la Rate sont beaucoup utilisés. En dernière étape après l’activation d’énergie, on n’oublie pas de faire converger le Ki sur le Tanden. Après ces séances en tant que donneur et récepteur, j’espère que les participants peuvent sentir sur quels points la tradition mettait l’accent lors du travail sur le ventre. A mes yeux, l’ensemble des 13 techniques est efficace et utilisable de nos jours. Elles accordent assez d’importance à l’harmonisation de l’estomac et à la descente du Ki « stagné » sur la partie en haut du ventre. Mais aussi, elles proposent des techniques variées comme la vibration ou le mouvement total et profond de l’ensemble du ventre. Une caractéristique de ces techniques est l’utilisation des deux mains séparées et de la pression verticale sur la totalité du corps. S. MASUNAGA a écrit « Cet ouvrage de l’époque Edo est bien utile à former ma méthode de shiatsu sur les méridiens, yin-yang deux mains séparées. »(5)
Comme il me semble primordial d’avoir un minimum de notions historiques et culturelles sur ce pays, et sur la brève histoire de la thérapie manuelle, je prends du temps pour les expliquer. Ainsi je compare la différence entre l’Anma traditionnel, l’Anma, et le Shiatsu. Et puis, il est préférable de connaître la place accordée à la notion de ventre (hara) dans la culture japonaise. Le live « HARA » (6) de Dûrckheim m’a beaucoup aidé. Comme le toucher du ventre est délicat, on trouve des expressions subtiles et fines qui touchent à la profondeur de la culture, et incitent à comprendre l’origine et la tradition. Les textes anciens sont difficiles même pour moi en tant que japonais. Il y a encore beaucoup à approfondir sur ce sujet passionnant, et j’aime partager cette recherche.
Enfin, je voudrais exprimer mes remerciements à mon prédécesseur au Cabinet, Monsieur IZUMO, qui m’a donné cet ouvrage, aux participants du stage organisé par Hubert Cousseau (l’Ecole Shiatsu 85), pour leur écoute et leur patience, quand je ne trouvais pas mes mots en français.
Toshi ICHIKAWA, praticien et enseignant, formé par M. KIMURA, Danielle CHEVILLON, et Yasutaka HANAMURA, dans la lignée de S. Masunaga. (www.toshiatsu.com)
Note :
(1)OTA Jinsai, « Anpuku Zukai », Ido no nihonsha, Version réédition, 1977
(2)page 253, MASUNAGA Shizuto, « Shiatsu et Médecine Orientale », Le Courrier du Livre, traduit du japonais par Yasutaka HANAMURA, et Jacqueline RENAUD, 1999
(3)MASUNAGA a précisé que « L’Anpuku n’est pas un massage du ventre (Haramomi). Il consiste à appuyer sur le Hara sans bouger la main, comme l’indique l’idéogramme按 –‘‘AN’’- par ses deux composantes : (côté gauche), signifiant ‘‘main’’, et (côté droite est) : ‘‘stabilité’’, ‘‘poser de façon stable’’. Et comme ‘‘faire l’An’’ a aussi pour signification ‘‘penser profondément’’, l’Anpuku implique, de la part du thérapeute, d’être en état de concentration, tandis qu’il touche de la main le ventre du sujet. Les techniques manuelles dites d’ ‘‘Anma’’ ou d’ ‘‘Angyô’’ étaient des techniques de Ho-Sha (tonification-dispersion), de Ho par l’An, et de Sha par le Ma ou Gyô. » page 252, « Shiatsu et Médecine Orientale »
(4)Depuis 1639, le Japon est fermé à l’étranger (sauf Chine et Pays-Bas) pendant l’époque Edo.
(5)Dans son commentaire de Version réédition de Anpuku Zukai, 1977.
(6)Karlfried Graf Dürckheim, «HARA, centre vital de l’homme» Le courrier du livre, 1974, pour la traduction en français.
Image de Anpuku Zukai
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